1967 - janvier - Ecole d'Artemare


Mon père part aux Etats Unis. Ma mére en stage à Paris. Mon frère et moi somme placés pour ce trimestre dans un home d'enfant dans l'Ain entre deux massif du Jura : Le Domaine du Flon. Pourquoi là ? Pourquoi pas ailleurs ?

Nous allons à l'école d'Artemare. Un vallon nous en sépare. Nous y descendons pà travers champ puis remontons par la route.

C'est encore l'hiver. Les prés enneigés. Les descentes en "luge sur cartable". C'est aussi bientôt les premières fleurs de printemps. Les amourettes. La soeur de Geneviève Maheux dont le prénom m'échappe. Les parties de cache-cache à deux dans les silos de blé. Les foudres vides. L'odeur du souffre (au sens propre !).

Je me souviensd'un garçon de ferme, un peu inquiétant comme il se doit.

Je me souviens m'être cru "malin" en profitant du ralentissement d'une camionnette pour m'y accrocher et franchir la côte. Son accéllération me surpris. Je crains un trop grand risque. je lachais tout. Chute, bitume, gravillons, écorchures, déchirures. J'avais mal et n'étais pas fier.

Je me souviens vaguement d'une cours. Classique. Avec des marroniers, forcément.

Et puis les derniers "souvenirs d'enfance". Le porridge au chocolat dont je me délectais chaque matin. Etait-ce bien là ou plus loin en arrière. Le home de Saint Gervais un an auparavant ?

1967 - avril - Ecole de Rancon



En avril 67, je reviens dans cette petite école communale de Rancon, où j'avais commencé l'année, pour terminer mon CM2.

Deux classes contigües. L'une avec les CM1, CM2 et préparation au certificat d'étude. L'autre avec les CP, CE1 et CE2. L'une sous la houlette du maire, Monsieur Mondot, l'autre de sa femme. C'est encore l'époque des plumes sergent major, des encriers en porcelaine que l'on remplit, des buvards, des pupitres en bois que l'on ponce chaque fin de trimestre.

C'est encore l'époque des écoles de garçons sans filles. Elles, elles sont dans l'autre batiment, de l'autre coté de la rue. C'est là que nous allons déjeuner à la cantine. je m'y retrouve régulièrement assis devant une fille dont tous redoutent le regard. Elle louche. Pas d'une légère coqueterie non, totalement. au maximum. Il est impossible de se convaincre que c'est à vous qu'elle parle tant son regard se perd loin sur le coté.

C'est sous le préau qu'est stocké le bois de l'hiver pour les poëles des deux classes. Au fil de l'année, l'espace se libère pour nos parties de "balle au prisonnier".

C'est dans la cour qu'est garée la voiture de pompiers municipale. Chaque alerte est pour nous un joyeux evennement tant il nous distrait. Et c'est à ses cotés que nous jouons au "facteur", à la ronde du foulard. Et puis les billes. La férocité du terrain inégal, la supériorité du verre sur la terre cuite, l'immanente adresse de certains. Les calots reflétant nos yeux brillants de désir. Les poches qui se vident. Ou qui s'alourdissent à craquer.

Et puis le ramassage scolaire en petit bus, parcourant les routes de campagne, délicieusement annulé les jours de trop fortes neige. Le rassemblement à l'orée du village dans la nuit finissante. Le klaxon qui vrombit dans l'exaspération des retardataires. Les rigolades et les tristesses qui s'entrechoquent sans pudeur dans le virages.

Bénéficiant du bagage culturel et social de ma famille, je suis, sans grand effort, un bon élève. Je soigne mes dessins de leçons de choses, mes illustrations de poésie, mes cartes de géographie. Sous la surveillance maternelle encore étroite, j'apprends par cœur mes résumés d'Histoire et mes Fables de la Fontaine. Deux béances pourtant se confirment cruellement.

Je suis nul en orthographe. Gaucher contrarié pense-t-on. Soit. C'est encore une époque où l'on ne consulte pas un pédopsy pour si peu. On densifie les dictées. Je me souviens que j'y faisais largement plus de dix fautes majeures. Elles valaient un point chacune et j'avais toujours "0". J'en ai fait des dictées. A l'école,. A la maison. J'ai pourtant lu, j'ai beaucoup écrit. Et aujourd'hui encore il m'est impossible de produire un texte sans aucune erreur. Même après plusieurs lectures attentives, même quand l'enjeu est crucial pour moi et justifie la plus totale précaution. Toute ma vie, tous mes textes ont été truffées de fautes. Et il m'a fallu subir, toute ma vie, les observations amusées, aimables ou choquées, voire désobligeantes de tous mes lecteurs quels qu'ils soient. Je n'y ai jamais été indifférents mais je m'y suis habitué. Comme tout handicapé léger.

Et je n'ai pas de mémoire. Je suis incapable de retenir quoi que soit naturellement. Et l'attention, l'effort soutenu, ne m'aident guère plus. Apprendre par cœur consiste pour moi à retenir ma respiration et à me lancer en apnée. Cela ne marche qu'une fois. Je n'ai jamais retenu aucune leçon, aucun nom, aucun prénom, aucun numéro de téléphone sans un long, très long apprentissage. J'ai passé toutes mes récréations du premier trimestre de CM2 contraint d'apprendre par cœur mes tables de multiplications. En vain. Désespéré, mon instituteur a cessé cette inutile sanction, ne comprenant pas pourquoi ce petit garçon qui réussissait sans effort tous les problèmes de baignoires et de trains sur lesquels suaient les plus grands, n'arrivait pas à dire combien font 6x7. Et je ne le sais toujours pas ! Comme je ne sais pas combien font 8x9 et d'autres encore. J'y pallie aisément : je calcule. Systématiquement. Et du coup je n'utilise jamais de machine aujourd'hui pour les opérations courantes....

Ne pas savoir (pouvoir ?) apprendre m'a contraint à tenter de comprendre. Avec célérité. A défaut de retenir les solutions on peut, grâce à cela, reconstituer les processus résolvants. C'est beaucoup plus long. Cela marche bien en primaire, fonctionne encore un peu en 6ème, en 5éme, beaucoup moins en 4ème et 3éme. En seconde on n'a toujours pas compris que l'on a jamais apprit à apprendre, à suivre une leçon, à rentrer dans le sillon. Et la déscolarisation devient quasi irréversible.

J'ai longtemps écrit à "Monsieur Mondot". Je n'ai sans doute jamais connu son prénom. Il a quitté Rancon l'année suivante pour Couzeix où après quelques années ils ont pris leur retraite. Il est maintenat décédé. Mais il vit encore dans ma memoire comme tant d'instituteurs demeurent eternellement dans celle de leur élèves. Leurs fils s'appellait, je crois, Jean Pierre Mondot, je ne suis pas certain de l'avoir croisé. Quoique.

1967 - juillet-aout - La Courcelle

Cet été là que fîs-je ?

Abane et Hélène Dupuytisson (17 juillet 55) vinrent passer quelques jours à La Courcelle. Evidemment, Olivier et moi fument amoureux de l'une et l'autre.

Les lettres d'Hélène me seront précieuses pendant les mois d'internat qui suivirent. Bouffées d'affection enfantines et promeses d'éternité ne resisteront pas bien sur, au trop long éloignement d'abord, aux chemins trop distincts ensuites.

Leur usure témoigne encore que de toutes celles reçues, elles furent les plus lues et relues.

1967 - septembre - Collège Cévenol

En septembre 1967, je rentre en 6ème au Collège Cévenol, comme interne.

C'est à cette date que commence le souvenir d'une désespérante solitude, d’abandon affectif et de triste résignation.

Sans doute ai-je toujours été jusqu’à alors avec au moins une personne de la famille. Et mon frère, là, m'accompagne. Il rentre lui en quatrième. Il est donc là. Mais confronté à la recherche de ses propres marques, éloigné dans un autre monde que le mien, il ne pourra m'apporter le soutien dont j'éprouve le besoin. Voire, en affirmant sa distanciation, il fragilisera un peu plus ma confiance en l'autre.

La densité de la correspondance familiale dont je serais le destinataire, la présence affective éloignée mais effective de mes proches, nos moments de vacances, nos retrouvailles, ne combleront pas les séparations et l'angoisse de l'abandon.

Je suis seul. Et ce collège protestant, installé dans un magnifique parc, est pour moi une prison.

Nous évoluons pourtant parmi de magnifiques allées en bordures de forêts pour rejoindre les bâtiments de nos chambres au restaurant, les salles de cours au stades et gymnase. Hormis quelques externes du bourg, nous étions tous des enfants d'expatriés ou d'étrangers de francophiles.

Afin d'approfondir cette période, faire resurgir les souvenirs les plus infimes enfouis dans les sombres arcanes de ma mémoire, j'ai effectué une véritable monographie de ces 12 mois passés dans ce collège (octobre 1967 à juin 1968, puis octobre à décembre 1968).

Celle-ci est consultable sur un blog spécifique : Le Collège Cevenol en 68 !

1968 - juillet-aout-septembre - Lagos

Nous sommes partis du Collège, mon frère et moi, avec le petit tortillard du Chambon, le CFD, le fameux train cevenol, puis le vrai train pour Paris.

Puis l'aéroport du Bourget pour rejoinrde Lagos où sont nos parents.

C'est notre oncle parisien qui nous y déposa vers 11h. C'était encore l'époque des grandes compagnies et des voyageurs peu nombreux. Des enfants seuls étaient exceptionnels et beneficiaent d'une grande prévenance avec détour assurré dans la cabine de pilotage.

A une heure, nous fumes informé d'un retard d'une durée incertaine. C'était la guerre civile au Nigeria. La France soutenait le Biaffra. Dégat colatéral, les avions francais subissaient diverses chicaneries formelles retardant leur plan de vol. Bref UTA nous offrit le déjéuener au restaurant panoramique. Le temps de s'organiser mieux encore ! au desrt nous fûmes informés que bolqués au moins jusqu'au soir la compagnie venait de nous organiser une visite au Chateau de Versailles pour toute l'après-midi. Laquelle était suivi d'une dépose à l'Hotel Claridge au Champs Elysées, avec diner puis chambres à disposition. Evidemment, ceux qui ne connaissent aujourd'hui que le Méridien de Roissy ne peuvent pas imaginer. Nous, nous étions alors des princes.

Au diner, la classe des serveurs ne leur permirent aos de faire de distingo. Nous fumes traités comme les autres. Table pour deux dressés, menu gastronomique et rondes des vins. C'est donc déjà fort bien guilleret que nous avons tenté de rejoindre nos chambres. Evitant l(ascenseur pour ne pas être remrquer du liftier, nous sommes monter par les escalier. Ah ! L'escalier du Claridge, ses nez de marches voluptueusement arrondis, sa moquette rouge et profonde, sa lumière tamisée, ses volutes a l'abri des regards, sa sonorité ouatée... combien y avons nous fait de galipettes hilares ?

Epuisés, nous avons regagné notre chambre. Pour ma part, j'ai vainement tenté un contournement du lit pour aller me rafraichir adns la salle-de-bains. De fait je ne l'ai jamais vu. J'ai loupé mon virage et me suis endormi en touchant le sol. A 23h, j'ai été bruitament réveillé : un car nous attendait pour nous ramener au Bourget d'où l'avion allait enfin pouvoir partir.

L'arrivée fut plus abrupte. Nous atterimes en bout de pistes aprés d'infinis tours d'approche jusqu'à l'épuisement du carburant et nous débarquames entre deux rangées de militaires aussi armées que patibulaires. Welcome ! Nos laisser-passer diplomatiques, à défaut de faire sourire, nous permirent une sortie accéllléré.

Vacances entre lagune et océan, ombre et cagnard.
Bateaux à moteur, pirogue, ski nautique, péche à l'épervier.
Avec les Poilvert.

Piscine et billard chez le consul à proximité.

Soleil. Cancer en essaimage. Fatal pour mon père en 2005. Létal pour moi.....

Retour coloré, avec rames et bagages, j'y reviendrais.

1968 - septembre - Collège Cévenol

En septembre 1968, je suis revenu au Collége Cévenol et tout cela est raconté sur ce mon autre site éponyme.

1969 - janvier - Mont Pellerin

Je fait mon deuxième trimestre de cinquième dans un collège à Vevey !

Autres cours, autres programmes, autres méthodes d'aprentissage. Autres langues aussi. L'allemand qui remplace, et efface, le peu d'anglais appris précemment. Mais même les mathématique même où le vocabulaire est different.

Je me souviens seulement d'une professeur (unique ?) attentionnée. Des élèves, point. J'avais un long trajet pour venir, à pied, jusqu'au funiculaire. De nuit et dans la neige, c'était la fin de l'hiver. Puis la descente du Mont Pellerin et enfin le bus pour aller juqu'au collège.

De ce séjour auprès de ma mère, je ne garde que l’impression d’un doucereux est indicible bonheur. D’une paix retrouvée, d’une félicité continue, de sourires, de rires. Je le ressens aujourd’hui par contraste et à la lumière de la mise au net des souvenirs qui précèdent et qui suivront. Cet état, ce changement d’état était il perceptible ? Pas forcement. Mais sans doute si ma mère m’avait-elle repris auprès d’elle, contre toute logique scolaire c’est qu’il devait apparaître comme assez évident, voire grave, que je n’étais pas heureux au Chambon ?

C'est en tout cas forcément dans cette année fausse année de 5ème marque que s'entame l’irréversible dégradation de ma capacité de suivi et de remise à niveau scolaire !

D'autant que nous partons pour le Nigéria en avril. Réjoinrde mon père. ma mére et mon jeune frère Jérôme. Mon frère ainé, lui, après avoir terminé son année au Collège Cevenol, et sensé passer ces vacances en juilet chez nos amis à Bellac. Ceux-ci jetant l'éponge en cours de route, Olivier nous rejoindra en août au Rwanda.

Quoique inscrit au CNTE je ne ferais pour ainsi dire pas de troisième trimestre. Que je rentrerais en 4ème par dérogation et que celle-ci, comme je l'exprime plus loin, m'installerra plus encore dans le non-travail scolaire.

1969 - mai - CNTE à Lagos

Je termine donc cette cinquième avec quelques cours par correspondance (CNTE) de fin d'année. Vaguement encadré au sein de l'Alliance Française (études surveillées), j'y cotoie quelques correlligionaires. Enfants de diplomates et autres nomenklatura. Bling bling avant l'heure. Ce milieu ne me séduit pas et cette défiance se perçoit et m'isole d'autant plus.

Les vacances arrivent. Le rien faire au soleil. Les week end en famille au bord de la mer, au-delà du port, sur l'immense banc de terre arborés entre rouleaux géants joueurs et lagune calmement ombragée. Quelques escapades sur les zones frontalières.

Je passe en quatrième par dérogation n'ayant finalement fait qu'un vrai trimestre de cinquième aux notes, qui plus est, fort modestes.

Je ne souviens pas de grand chose de cette quatrième...

Si ce n'est que je choisis l'italien en seconde langue. Drôle d'idée. Cela me conduisit à bénéfécier de cours particulier offert par la nurse de nos voisins, Giusepina Calisto. Joséphine était une jeune fille simple et généreuse. Elle s'occupait de la soeur de Francesco, le copain de mon petit frère. Je vécu avec elle le même émoi que Titta avec sa buraliste à la poitrine accueillante dans Amarcord, quelques années plus tard. Simultannement, elle me confectionnait au crochet toute une gamme de vétements pour Piou-Piou. C'était un petit baigneur, grosse tête position assisse. Je ne me souviens pas quand je l'ai eu. Mais il m'a accompagné partout. Comme une poupée fétiche, symbole de l'enfance que l'on ne voudrais jamis perdre. Je ne l'ai pas perdu et Piou-Piou et toujours avec moi, caché au fond de ma penderie comme il fut caché des années durant au fond de mes placards d'internats. Ma rencontre avec Joséphine est certainnement la plus extraordinaire representation du basculement entre l'enfance et l'adoslescence, et seule son heureuse simplicité, sans question, sans calcul, sans complication, me permit de vivre avec elle les deux cotés de cette fontière J'avais alors 13 ans.

Dans le jardin nous avions un immense arbre à pain. Les fruits murs, lourds de plusieurs kilos, éclataient au sol avec un bruit sourd et des éclats nauséabonds.

Les énormes lézards multicolorent se doraient au soleil, statufiés, excellente cible pour mon apprentissage au lance-pierre. Heureusement malhabile...

1970 - avril - CNTE à La Courcelle

1970 - juillet - Courseulles

C'est dans cette petite ville normande, aux plages encore parsemées de blokaus, que je suis allé en stage de voile. Quinze jours qui ne m'enthousiasmaient pas plus que cela. Je n'ai jamais aimé les séjours en "colos". Mais mon frère ainé ayant déjà pratiqué cette activité, sans doute était-il "normal" que je doivent suivre son exemple. Une semaine de "Caravelle", une semaine de "421". Une belle veillée le dernier soir, sur la plage, avec un feu de bois. "La chanson de l'Auvergant" à la guitare. Et puis, Josiane Fillatre (22 décembre 1956), révélation amoureuse du dernier jour. J'en reçu une correspondance enflamée, qui me flatta puis m'embarrassa. Mon éloignement à Villard de Lans, puis au Rwanda, fit durer le mythe du fiancé éloigné et ne permit pas notre mariage...

1970 - septembre - Lycée Jean Prévost

En septembre 70, je rentre en 3ème au Lycée Jean Prévost.

Interne. Avec mon frère, mais je ne le verrais pas beaucoup. Il n'y fait qu'un trimestre. Convoqué au conseil de discipline de janvier, il quitte l'établissement pour éviter une exclusion aussi probable qu'arbitraire de l'internat. Et non des cours. Ce qui est pervers car pour nous, l'une induisit de facto l'autre.

Refusant l'artifice des escapades interdites mais tolérées en ville, il sort et rentre quand bon lui semble, par le grand portail, négligeant les trouées pratiquées dans le grillage qui cerne notre espace. Provocation insupportée.

Je suivrais son chemin peu après. Le dernier jour avant les vacances de février, j'ai "renoncé" à mon seul cours de l'après midi pour ne pas manquer le bus qui devait m'emmener à Grenoble. Celui la seul permettant ensuite la succession bien coordonnée des multiples correspondances de trains pour rejoindre ma mère. J'ai reçu pendant mon séjour, mon avis d'expulsion. Je ne suis revenu que pour prendre mes affaires sans même pouvoir saluer tous mes camarades. Juste le temps de mesure le total arbotraire de la sanction : l'interne qui m'avait accompagner dans cet évitement d'une malheureuse heure de cours n'avait été sanctionné, lui, que d'un avertissement !

Ce temps fut trop court et ce départ trop brutal pour maintenir le contact avec les quelques personnes dont les photos conservées me rappellent qu'ils furent, à défaut, les compagnons de ces moments mal vécus. Je n'ai de fait aucune nom, aucune adresse, aucune correspondance de ces moments là.

Je n'ai rien aimé de cette période.

Mais je garde tout de même le souvenir,

...agréable, des noix dont j'emplissais mes poches quand je passais à coté des immenses paniers de stockages près de la chambre en soupente qu'Olivier avait loué pour ses week end.

...fier, d'avoir réussi à surmonter mon indolence d'ailleurs en remontant seul et vaillamment au Cornafion, après l'avoir fait avec tant de peine et de honte de cette peine une première fois avec Olivier.

...pénible, d'avoir assisté à tant de "chandelles" brutales à l'internat, que l'une d'entre elle fit une victime qui dut longtemps porter une minerve pour s'en remettre. J'avais peur pour moi.

...mélancolique, du juke-box du village où j'écoutais en boucle le tube "Sympathy" (Rare Bird), dont je ne me lassais pas et qui m'enfonçait jouissivement dans la mélancolie la plus noire.
(And sympathy is what we need my friend / 'cos there's not enough love to go round / No, there's not enough love to go round.)

...fasciné, des expériences d'hypnoses réussies dont je fus, à ma propre surprise, l'artisan.

...proustien, de la barre de chocolat que l'on nous distribuait avec un grand morceau de pain frais et mou pour le gouter des seuls internes.

...valorisant, d'avoir "hérité" de la mobylette Peugeot 102 de mon frère après son départ. Deux mois d'usage, modérés mais libérateur. Pas dupe néanmoins de l'intérêt soudain plus amical de certain à mon égard. Une mobylette, c'était pas rien.

...désolé, d'avoir tenté en vain de faire de l'humour pour être un bout en train comme les autres et d'avoir pris une veste. En l'occurrence celle d'un copain que j'attachais subrepticement à sa mobylette dont il nous montrait crânement les atours. Lorsqu'il en est descendu, sa veste s'est déchiré dans le dos de haut en bas, la mobylette et lui sont tombés. J'ai trouvé cela très drôle. Mais il n'y a que moi qui ais ris. Pas longtemps.

Maurice Bosle était photographe. Était. Il est décédé à Villard de Lans le 22 septembre 2003 à 68 ans. De jeune et timide client, je devins son mannequin le temps d'une série de portraits d'une grande qualité. Il fut pour moi un ami précieux. Il m'offrit plus tard un assignat de 25 sols datant de 1792. Il devint la première pièce d'une collection de monnaie que j'ai toujours. Il me prêta un antique et volumineux projecteur "16mm". Je montai un club cinéma au foyer du lycée et projetais de temps en temps des films de sa collection, notamment tous les plus grand comique du noir et blanc muet : Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyds, Laurel & Hardy.

Dans une lettre il me confirme que Pascal Etienne est toujours au Lycée en 72 en seconde C. C'est le seul nom de camarade qu'il me reste aujourd'hui de cette époque.

Et puis aussi Patrick Raby dit Charlie. Copain de mon frère. Fascinant. Je l'ai revu plus tard à Aix.

Enfin ce fut aussi au premier trimestre de cette année là que survint la terrible tragédie de Saint Laurent du Pont. L'incendie, le 1er novembre 70, du "5-7", une discothèque toute proche où périrent 146 personnes. Dont quelques élèves et beaucoup de proches des externes du lycée. De Gaulle mourut dans la foulée. Et Hara-Kiri édita sa célèbre "une" : "Bal tragique à Colombey : 1 mort" qui lui valut une censure immédiate et l'obligeât à reparaitre sous le nouveau nom de Charlie Hebdo.

Il y avait dans ma classe un grand échalas qui fit un jour une crise d'épilepsie en plein cours ! Très impressionnant. Tétanie, mouvements violents et désordonnés, rictus et salivation. Râles. Inconscience. Accalmie semblable à une agonie. J'étais son voisin. Plus impressionnant que grave m'a t-on dit pour me rassurer comme on l'emmenait. De fait quelques heures après il était parmi nous et ne se souvenait plus de rien !

Il y avait aussi un élève qui pratiquait l'hypnose. Dingue. Je fus aussitôt son élève (et non son cobaye) et l'élève dépassa bientôt le maitre. Nous utilisions comme "patients" quelques élèves plus jeunes parmi les asthmatiques (c'était un lycée climatique !). Il se trouvent que ce sont des sujets particulièrement réceptifs. Nous réussissions à les placer en hypnose par la suggestion de notre voix et la fixation de leur regard sur un point fixe. Nos yeux ou une alternative. Puis nous pratiquions des expériences d'insensibilisation à la douleur (chaleur, piqure) ou à la peur (chute) devant un public trié sur le volet. Nous réalisions également des expériences de télépathie et de transportation visuelle. Par exemple nous demandions au patient de nous indiquer où se trouvait "untel". Par exemple le censeur, ce qui rendait impossible toute complicité ! Sur ces indications deux volontaires partaient à sa rencontre avec pour mission d'observer tous ses faits et gestes pendant 5 minutes. pendant ce temps, notre "voyant" nous racontait de même. Au retour des observateurs ceux-ci, qui n'avaient donc pas assisté à la séance, nous racontaient ce qu'ils avaient vu. Du style : "untel" est allé dans le couloir central, il est descendu par l'escalier B, il s'est rendu dans la cour, a croisé "tel élève", lui a demandé "telle chose" etc...
Et l'assistance médusée, entendait cette "histoire" comme parfaitement identique à celle que notre "patient" avait décrite en "temps réel". J'étais tout autant "médusé" que l'assistance, voire plus ! Sensé être l'ordonnateur de tout ceci, je n'en laissai rien paraitre.
J'ai toujours le livre de poche "L'hypnose" qui me servit de guide pour cet apprentissage. Mais plus incrédule encore que mes pairs, je n'ai jamais tenté de réitéré cette expérience que je trouvais moi-même sulfureuse.

C'est aussi à cette époque que me vint l'absurde idée de défier le soleil. Je fixais celui-ci de mes deux yeux grands ouverts, m'interdisant tout cillement. En montagne le soleil est puissant. Mes larmes coulaient abondamment. Et c'est toujours le soleil qui gagnait ! Quand je cessais la lutte, la rétine brulée, je demeurais complètement aveugle pendant plusieurs minutes, voire quelques dizaines. Comment peut-on faire de telles conneries ?





En marge de ce blog et au cœur de votre vie

A noter qu'une initiative bienvenue a vu le jour en cette nouvelle année 2011 : un site tout entier dédié aux souvenirs des anciens du Lycée Jean Prévost.
Ambitieux (de 1964 à 2011) et (im)pertinent (un fantôme a pris en charge son animation), nul doute que celui-ci va rapidement devenir une référence incontournable. Mon modeste témoignage d'une demi-année scolaire à LJP rejoindra ainsi la cohorte des décennies de souvenirs contributifs à l'histoire de nos adolescences, pour beaucoup, et de celles de quelques adultes, pour certains. Et c'est très bien comme ça.

BLOG FORUM DES ANCIENS DU LYCÉE JEAN PREVOST
cliquez sur cette bobinette et la chevillette cherra


Evocation croisée d'anciens de LJP

Le 20 janvier 2011, un dialogue soudain c’est installé en marge du billet précédent. Une riche évocation de ces années au Lycée Jean Prevost. Consistante, abondante, exubérant même, un peu au point de « s’oublier ». Un site sur internet est public ! Un trait d’humour sur un tiers, sans conséquence au Café du commerce, devient indélicat quand il se grave dans le marbre numérique. Et que dire d’une vacherie, parfois drôle dans son contexte, irrecevable au-delà ?

En marge de ce passionnant échange, survint bien vite un nouveau quidam. Celui-là même qui œuvrait, anonymement encore, au probable excellent site consacré à l’histoire du Lycée Jean Prévost et de ses anciens. Alias « le fantôme ». Entre anonymes ils convinrent bien vite que cette liberté de ton et de propos était excessive. Et me demandèrent de bien vouloir effacer ou modifier les commentaires indélicats.

Effacer ? Supprimer l’histoire en marche ? Prétendre soudain que ce qui fut n’existât jamais ? Pas vraiment ma tasse de thé !

Modifier ? Amodier ? Pourquoi pas ? Sauf que le système de ce blog « Blogger » ne le permet pas ! On supprime tout, ou rien !

Le 30 janvier, j’ai donc pris le parti d’inventer une solution intermédiaire, rassembler tous ce dialogue, expurger de ces écarts (à la demande expresse de leurs auteurs), en un seul texte. Et supprimer la série des commentaires qui en furent la source sur le billet précédent. Puisse cette solution satisfaire et les auteurs et les lecteurs !

Dialogue du 21 au 31 janvier 2011

X (l’anonyme) :

Je me souviens de toi [Winkle], tu avais à cette époque une sorte de hobby, qui consistait à analyser les signatures. De la mienne, tu m'avais dit : "Il te manque quelque chose, ça te manquera toujours". Tu n'avais pas voulu me dire ce que c'était. Tu te souviens ? J'aimerais bien enfin savoir... Je me souviens aussi de tes conseils quand on se lavait les dents au lavabo des WC. Tu disais qu'il ne fallait pas mettre d'eau sur le dentifrice pour qu'il agisse mieux. Curieux, les souvenirs, ça se fixe sur des détails saugrenus.

W (Winkle) :

Saut à toi qui reviens du fond des ages….
C’est vrai que j’étais passionné de graphologie et j’ai toujours ce petit réflexe de « regarder » l’écriture en même temps que le contenu.
Je ne sais plus de quand date la réflexion sur le dentifrice mais cela réveille aussi quelque chose dans mes souvenirs.
Si tu veux rester anonyme donnes moi quelques indications sinon ça sera avec grand plaisir que je retrouverais un ancien copain !!
J’ai repris contact avec quelques autres copains dont Laurent et ça fait pour le moins bizarre de se parler après plus de 35 ans de silence !

X :

Nous n’étions pas exactement des copains proches (pas la même classe, pas le même dortoir si je me souviens, mais par contre la même étude) Tu m’intriguais par un côté assez étrange et qui détonait. Disons que je te situais à mi-chemin entre le futur chamane (va savoir pourquoi, sans doute ton attirance marquée pour l’exploration de l’âme humaine) et l’extra-terrestre (ce côté « décalé » que tu avais. Assez curieusement, je t’associais à l’objectivité, je trouvais que tu avais une approche des choses très « neutre », non passionnée, sans a priori). […]

J’étais interne et en classe littéraire (A) et dans le dortoir de la première cage d’escalier. Je me souviens de […] Loyer, qui nous abreuvait tous les matins de musique rock avec son radio-k7. Je te revois aussi (mais c’est sans doute antérieur) avec ta guitare et ton bracelet en cuir, tes cheveux longs, une sorte de look vaguement « punk » et en même temps austère ( ? enfin, dans mon souvenir) avant l’époque, plus un côté « sérieux », grave plus exactement, et sans doute exigeant. Un truc amusant qui me revient, sans rapport : on (incluant je, naturellement) s’amusait ( ? ) à introduire des allumettes dans les serrures de sécurité Fichet des dortoirs pour les rendre inutilisables et obliger les agents à les démonter. Résultat, pendant une semaine le dortoir restait ouvert et on pouvait y monter en douce pendant la journée pour passer un moment tranquille ou récupérer des affaires. Nostalgie, quand tu nous tiens… […]

Au fait, pour info : ils sont en train de détruire le vieux lycée à Villard pour construire à la place une sorte de grande cité scolaire. […]
Au fait, pour la signature : c'était dans l'étude, tu étais assis au bureau et je t'ai filé ma signature. Tu as regardé, et quand tu m'as dit : "Il te manque quelque chose", et "Je ne peux pas te dire ce que c'est", j'ai senti que tu en avais analysé plus mais que tu ne voulais surtout pas le dire. […]

W :

Damned !!!
Pour quelqu’un qui n’a que des souvenirs fugaces je suis assez épaté….
Et en plus la foison de détails a un réel parfum d’authenticité. Ce sont des souvenirs de première main si je puis dire !
Je ne sais pas par quel bout commencer … […]

Je me souviens aussi de Loyer qui avait je crois fondé le club musique. Nous écoutions de la musique essentiellement pour ne pas dire exclusivement rock dans une des salles du rez-de-chaussée entre 5 et 7 une fois par semaine
Le conseil concernant le dentifrice me fait croire que si nous étions dans le même dortoir nous devions être dans la même classe, à ce moment la du moins .. j’ai quitté le Lycée en 1974 et j’étais à ce moment la en 1ère D ; Y étais tu également ?
J’ai gardé ou plus exactement retrouvé quelques souvenirs de cette époque , des photos, un carnet de présence avec la liste des élèves de quelques classes (ces grand cartons verts avec lesquels les prof faisaient l’appel en début de cour). Et quelques autres bricoles. Il est possible que tu sois sur une de ces photos…faisais tu parti du Ski Etude ?
Si je puis me permettre , visite ce lien
Il te permettra de rentrer en contact avec des anciens copains dont moi même d’une manière un peu plus personnelle.
Je dois avouer que tu es le premier à donner des détails aussi précis et personnels. J’ai cru que tu étais
Philippe Sauvage et qui a aussi des souvenirs très précis.
Es tu retourné à Villard depuis ces années ? si c’est le cas récemment tu as du voir effectivement la nouvelle cité scolaire. La construction est plus basse et s’intègre mieux dans le paysage mais elle est devant l’ancien Lycée et occupe quasiment tout le terrain jusqu’au grillage y compris la petite butte qui permettait des siestes hors de vue depuis le bâtiment….
Je crois que la destruction de l’ancien bâtiment est prévue pour février de cette année….dommage !
J’aimerais bien continuer cette correspondance car je crois que les souvenirs sont faits pour être échangés

X :

Oui, c’est compliqué les souvenirs.

De toutes façons, à ce que tu me dis, je devais probablement être juste dans la classe en dessous (en 5° quand tu étais en 4°), et ainsi de suite jusqu’à la fin. […]

En revanche, je me souviens bien que malgré notre classe d’écart, nous étions tous les deux soit dans la même étude, soit dans deux études voisines (si tu te souviens bien, elles étaient poreuses entre les heures d’étude obligatoire, ça circulait indifféremment d’une salle à l’autre, et même encore maintenant, en rêve, il m’arrive parfois de me voir passer dans le couloir et de vérifier par-dessus les portemanteaux, à travers les vitres, si j’aperçois un copain ; je me vois juste faire le geste de me hausser sur la pointe des pieds pour regarder)

Donc me voici peut-être parcelle de ta mémoire… Voici ce dont je me souviens actuellement, en vrac, entre 1969 et 1974, donc pour moi entre 11/12 et 16/17 ans, mais ça fluctue, régulièrement viennent des souvenirs que je ré-oublie et qui remontent ensuite :

D’abord, le censeur. Le premier que j’ai connu était une peau de vache que tout le monde craignait, un type assez froid. Mais je n’ai pas de souvenir précis. Le seconde, d’avantage Une voix ridiculement haut perchée, des lunettes énormes, un visage blanc et mou, assez grand. […]
Pour les carnets de présence : ça me fait penser aux grands cahiers verts ou noirs rigides placés dans des casiers librement ouverts (époque de confiance !) près du bureau des pions et du surgé. Les profs s’en servaient effectivement pour les appels et pour y inscrire les notes courantes (juste les notes d’interro orales en cours, je crois, mais pas les notes d’écrit). Et naturellement, nous allions les rectifier en douce en rajoutant un ou deux points (pas trop, pour rester dans la vraisemblance) car avec des copains on s’était aperçus que c’était à partir de ces grands cahiers accessibles à tous que les pions étaient chargés de recopier les notes sur les bulletins de simple information envoyés aux parents régulièrement (si tu te souviens, c’étaient des petits bulletins intermédiaires de relevés, envoyés entre les « grands bulletins » de trimestre).

Pour les expériences d’hypnose, je m’en souviens aussi : l’un des jeux consistait à tenter d’hypnotiser quelqu’un debout en lui ordonnant de s’effondrer en arrière dans un supposé sommeil hypnotique, tandis que deux assesseurs se tenaient prêts à le rattraper. Cela se passait dans les couloirs du sous-sol (murs jaunes), près de la porte condamnée (celle qui était à l’opposé complet du réfectoire et située près de la salle de gymnastique. J’avais vu que ça marchait sur un cobaye et je me suis enfui, épouvanté, de peur d’être choisi pour l’expérience suivante. J’avais une peut bleue de ce qu’on pourrait peut-être m’obliger à faire sous hypnose, car le bruit courait que certains des hypnotiseurs caressaient de dangereux projets (je n’ai jamais su au juste lesquels, et jamais cherché non plus à approfondir la question, tu t’en doutes bien).

Je me souviens aussi d’un des profs d’histoire, il s’appelait Bécu. Une sorte de géant sympathique mais capable de grandes (c’est un euphémisme) colères sur les questions de discipline et d’insolence, qui fumait la pire et que j’ai eu un ou deux ans en histoire-Géo. Il était redouté et en même temps aimé, un curieux mélange. Le bruit courait qu’il avait un jour cassé sa pipe contre une table en se battant pour qu’un élève ne redouble pas, j’ignore si l’anecdote était vraie mais elle circulait et faisait partie de sa légende. […] J’aimais beaucoup son humour car, ayant conscience de la crainte qu’il inspirait par ses dimensions de géant, il en jouait parfois avec facétie. Pour autant il ne fallait pas dépasser certaines bornes avec lui. Je ne sais pas si tu te souviens de ce garçon, il s’appelait Jean-Yves ou Yves […]. Le genre « enfant terrible », il ne ratait pas une insolence envers les adultes, son audace m’épouvantait. Sur le « père Bécu » (comme on l’appelait avec un mélange de respect et de sarcasme), il s’est cassé les dents en 5° : il a écopé en classe d’une retentissante fessée (sous son bras, paraît-il, suprême humiliation !) pour lui avoir parait-il insolemment répondu (ce qui ne m’étonne pas du tout de l’intéressé). Nous étions dans des classes différentes mais j’ai appris ensuite la chose en classe (commune) de Musique, nous étions tous morts de rire quand son cousin (un petit brun qui habitait Grenoble comme lui) lui demandait, écroulé lui aussi, si ça ne le chauffait pas trop, et l’intéressé victime se répandait en « Quel sale con, ce type ! » vengeurs (mais on le sentait pour une fois à peu près dompté et peu désireux de réitérer l’expérience, il s’est tenu paraît-il d’une manière plus que réservé avec le dangereux géant pour le reste de l’année scolaire). Le géant en question avait quand même une bonne dose d’humour car je me souviens l’avoir vu ensuite en cours d’année croiser sa « malheureuse » victime dans le couloir : regard hautain et dédaigneux du fessé, drapé comme il se doit dans sa dignité bafouée (mais aussi dans un prudent silence), et regard amusé et vaguement goguenard du géant, sans nulle trace apparente de rancune pour l’insolence, comme s’il lui entendait lui signifier implicitement : « Tu vois, mon bonhomme, on n’est pas toujours le plus fort dans cette chienne de vie ».

Autre souvenir : un surgé, qui boitait légèrement, blond et frisé. Pas antipathique, mais nous le faisions littéralement tourner en bourrique. Son collègue, en revanche, petit et râblé, cheveux coupés à l’adjudant, faisait du judo et avait la manie d’agiter ses clefs dans sa main en arpentant les couloirs. Son obsession : envoyer tous les trainards croisés dans les couloirs en salle de permanence. Pas antipathique non plus, mais il a été muté après une sombre histoire concernant la caisse de la coop : il se serait montré trop laxiste dans les vérifs et des élèves avaient paraît-il largement puisé dans la caisse (les veinards !). Son successeur était très maigre et dégarni. […]

L’un des surgés les plus sympathiques et les plus ouverts que j’ai connus, en fait (Vailly ou Bailly, je ne me souviens plus).

En ce qui concerne Loyer et son inépuisable stock de K7 de rock, je lui dois une bonne partie mes goûts dans ce domaine car je venais d’une famille disons très « bourgeoise » où le rock n’était qu’une « musique yéyé », évidemment sans aucun droit de cité… Encore aujourd’hui, je suis l’héritier de cette étrange et probablement incongrue dualité, je viens d’écouter un vieux Led Zep avant de passer à Mozart, avec d’ailleurs le même plaisir. […]

Que te rappeler encore. Tiens, l’astuce qui consistait, les jours de ballade obligatoire au pont de l’Amour (ça ne s’invente pas), à aller se cacher dans les dortoirs pour y couper. Les pions devaient ratisser le bahut de fond en comble pour rassembler une maigre poignée de victimes : quelle horreur cette ballade, toujours la même ! Avantage si on échappait à la rafle : tout l’après-midi tranquille, le second pion restant scotché à sa radio dans le bureau du surgé, tout le bahut à nous. Mais inconvénient : une capture valait la ballade plus une ou deux heures de colle. Mais à ces âges, on a le goût du risque. En parlant de risque, un autre jeu que tu as dû pratiquer, et qui consistait, au dortoir, à passer d’une fenêtre à l’autre en se suspendant au montant de bois. Dessous, dix bons mètres de vide. De l’inconscience, naturellement. Toujours dans la série des jeux idiots et délicieux : juste avant d’entrer au réfectoire, quand la porte ne s’ouvrait pas assez vite, avec le surgé derrière, l’habitude prise de l’enfoncer de force en poussant comme devant une porte de château du Moyen-âge. A force, nous avions fini par plier la barre de métal qui tenait les montants. Et ces chahutes démentiels toujours au réf, les salles déclenchant les unes après les autres des « soucs » successifs (le temps que le surgé aille d’une salle à l’autre, celle du bout recommençait, et ainsi de suite).

Un autre souvenir : « Pépé », le proviseur. […] Ce n’était pas un mauvais bougre, sous ses airs autoritaires et bougons : les samedi après-midi de colle, quand il faisait beau, il venait lâcher une amnistie générale vers 3 heures et demi/quatre heures : à condition de passer une demi-heure à ramasser les papiers dans la cour, les condamnés retrouvaient la liberté (jusqu’à la colle suivante, naturellement). […]

Je te donnerai d’autres souvenirs quand j’en aurai. Cela me revient régulièrement, par vagues. Peut-être aussi les tiens en feront revenir d’autres. Quel bande de vieux cons on va faire, bientôt

Au fait : pour Laurent : tu fais allusion ici à un studio loué par ton frère Olivier à Villard Je ne sais pas si c'est le même, mais je me souviens effectivement être allé avec des copains dans le petit studio loué par l'un d'eux, pour une visite. Cela m'avait paru à l'époque le comble du luxe : être interne la semaine et avoir son studio à soi le week-end ; mais je suis bien incapable de me dire si c'est bien le même. […]

W :

Désolé mais je t’ai répondu en message perso avent de revenir sur « Souvenancitude » donc mon message va te paraître un peu incohérent.

Je suis admiratif devant ce récit tant par le style que par le contenu, cela change des conversations à 30 mots usuels habituellement rencontrées sur les forums….
Ces bribes (quoique que très conséquentes !!) de passé me réveillent aussi les neurones.

Le premier censeur était effectivement une peau de vache à sang froid. Il m’avait un jour allumé dans son bureau en se servant d’arguments plus que déloyaux sur ma condition familiale (parents divorcés, mère à l’étranger, etc .) et on sentait qu’il tournait verbalement le couteau dans la plaie en cherchant les points les plus douloureux. Il faut quand même dire que par vengeance pour un autre coup j’avais coupé après les avoir découvert les fils du téléphone du bahut qui passaient dans un boîtier dans le mur d’une étude. Bon … J'admet que la bêtise est sans doute l’apanage de l’adolescent boutonneux mais je ne pensais mériter autant de vacheries verbales débitées sur le ton de la lecture d’un faire part de décès…

Le surgé aux clefs s’appelait (si nous parlons du même)
Astier ou Hastier. Il déambulait effectivement et distribuait les heures de colles pendant les permanences en salle d’étude le mardi soir avec un regard chargé de reproche (un peu trop d’ailleurs, je crois qu’il voulait se faire plus méchant qu’il n’était en réalité) et une voix emprunte de gravité.

Bécu m’avait plutôt à la bonne, ses digressions lors des cours de géo étaient assez révolutionnaires pour l’époque et il ne fallait pas trop le pousser pour qu’il se laisse aller a faire (un peu) de réflexions politique au milieu des considérations géo économique de son cours. Je me souviens de l’histoire de la pipe cassé. J’ai été pendant 2 ans je crois délégué de classe et il était capable de prendre fait et cause pour un élève pendant un conseil de classe d’une manière assez tonitruante et dans ces moments là les autres profs pliaient assez rapidement.
Il y avait d’ailleurs d’autres profs prompts à prendre la défense d’un élève : un prof de français qui s’appelait
Isner et un prof de math qui s’appelait Bouchevreau.
Concernant les devoirs de maths faits à hautes contributions collectives (enfin complètement pompés…) il avait eu un jour cette réponse à l’ensemble des autres profs qui prônaient que devoir pompé = note divisée (et dans notre cas vu le nombre de copies les dividendes auraient été ridicules !!) : « je ne peux pas dire merde à un élève qui me rend une copie complète même complètement pompée et que son minimum est C ». Il a tenu contre vent et marée et a toujours appliqué cette façon de voir les choses…même aujourd’hui je lui en suis encore reconnaissant

Y (Laurent) :

Je dois dire que je suis assez ébahi de cet échange dont je suis le candide catalyseur...
Tu évoques le site du Collège Cévenol, tu ne crois pas si bien trouver comme exemple de boite de pandore. Après avoir tracé les grandes lignes de cette décennie adolescent ici, j'ai repris plus en détail les deux premières années sur un site spécifique mis en ligne en juin 2008. Un mois plus tard il y avait 200 commentateurs, puis 500 en septembre qui m'enjoignait d'organiser une rencontre. En juin 2009, nous étions plus de mille au Chambon-sur-Lignon, soit le plus grand rassemblement jamais réalisé de cet établissement. Et moi qui n'avait rien demandé, je me suis retrouvé président de l'association des anciens fortes d'un coup de plusieurs centaines d'adhérents !
Alors oui, faites un blog sur LJP, je m'en marre d'avance !

Poursuivez vos échanges, je m'en délecte. Et dès que j'ai 5 minutes, je mets quelques photos en ligne...

W :

Les ballades au Pont de l’Amour… je les avais oublié celle là !!!
Il me revient en mémoire un soir de bordel général dans le dortoir, je devais être en 5ème ou 4ème. Tout y était passé : lits en cathédrale, bagarre de polochon avec le dortoir mitoyen, savonnage du carrelage des salles de douche et lavabo pour mieux maîtriser l’envahisseur. S’en étaient suivi quelques blessés et les deux pions ne pouvant endiguer le massacre avait fait appel aux forces de l’ordre à savoir le surgé en l’occurrence le père
Astier.
Le surgé déboule dans le champ vers 10 ou 11h00, évidemment tout le monde se met au garde à vous et je me dis que l’on est bon pour une virée nocturne au Pont de l’Amour (c’était une des coutumes disciplinaires de l’époque : bon pour le corps et l’esprit et pas cher !!). On est certes au mois de février et il y a un bon mètre de neige quand ce n’est pas déblayé, mais bon, le chemin du Pont déjà rudement arpenté de jour est praticable donc ce n’est qu’un « petit » mauvais moment à passer ; « Tout le monde en survêtement et basket !!!» tonitrue le représentant de la force suprême. Bonne pioche me dis-je on va juste se les geler une petite demi heure. … eh ben non !!! très mauvaise pioche car cette nuit là ce n’est pas au Pont de l’Amour où notre cohorte silencieuse (les 2 dortoirs et les 2 pions plus Astier) a du se rendre mais aux Plâtres !!!!. Pour mémoire depuis le Lycée c’est 3 bornes et 400m de dénivelé par sens. A peine arrivée demi-tour et lorsque l’on s’est couché (vers 2 ou 3h du matin) les velléités de connerie avaient un peu perdu de leur vigueurs !!!
C’est drôle, je suis retourné souvent à Villard et je suis monté au Col Vert une bonne vingtaine de fois depuis que j’ai quitté le Lycée et bien à chaque fois j’y repense au moins une fois pendant la montée !!

Les allumettes dans les serrures des dortoirs çà m’est venu un peu plus tard … quand je cherchais un coin tranquille pour « discuter » à loisir avec des demi pensionnaires du plateau.
J’ai d’ailleurs à plusieurs reprise trouvé le boulot fait par un prédécesseur mais je ne me souviens avoir ou été dérangé dans ces moments là : le Dieu de la synchro peut être ??

X :

Message privé, où cela ? Si c’est sur Copains d’avant, en réponse à mon propre message, ça n’a pas marché car je n’ai rien reçu. Mais autant rester ici, j’aime bien lire les souvenirs des autres internes ailleurs, autant qu’ils profitent des nôtres (ce sont d’ailleurs assez souvent des expériences similaires : beaucoup des choses que j’ai lues au sujet du Collège Cévenol me paraissent finalement familières).

Le premier censeur m’avait effectivement aussi laissé cette impression d’animal assez pervers à sang froid, plus méchant que sévère, un type assez perturbé, mais je ne l’ai pas connu très longtemps.
Goumarre, lui, était du genre sévère en apparence mais en fait pas si terrible.

Concernant Astier, je crois qu’en fait, si mes souvenirs sont exacts, qu’il n’était pas SG mais pion, ses aptitudes à la fonction d’encadrement étant simplement utilisées par le lycée : bref, il arrivait qu’il fasse « fonction de » mais statutairement, il était pion (sauf erreur de ma part). Il était assez virulent : j’ai le souvenir, vers 1974, d’une équipée à Villard en soirée (naturellement en fugue), au cours de laquelle un petit groupe avait subtilisé un panneau triangulaire de travaux sur la route et l’avait ramené en douce pour le mettre après extinction des feux en travers du couloir du dortoir vers le 3° box. Lorsque Astier est passé faire sa ronde nocturne, lui qui marchait toujours comme un TGV, à toute vitesse en balançant les bras, il s’est naturellement « mangé » le panneau et ça a été la fête des premiers qui lui sont tombés sous la main (parfaitement innocents d’ailleurs, car le coup venait du 4° box).

Mais celui que j’évoquais, le surgé qui balançais ses clefs, son nom me revient : c’était M
r R[…], il n’avait pas contrôlé d’assez près la gestion de la Coop, oubliant que les adolescents ont parfois la main leste sur les tiroir-caisse quand ils le peuvent… […]

Un autre, si ça te dit quelque chose : ce type de 3°, je crois, qui était monté au Cornafion en ballade seul un samedi, et qui avait trouvé le moyen de se perdre au retour, dans des barres (le chemin n’était pourtant pas compliqué). Il a passé la nuit à la belle étoile et on l’a retrouvé le lendemain. Résultat des courses : un mois sans sortie… […]

Un méfait du destin, à présent. La vie est étrange, qui alterne les bêtises de mômes et les tragédies : tu dois te souvenir que lorsqu’on montait en AS ou en plein air skier à la côte 2000, tout le monde redescendait ensuite en ski par les Clos jusqu’au lycée, à travers les bois. Vers 1970-71, un garçon est tombé sur une pierre affleurant sur la neige et s’est cogné la tête en pleine course, il en a gardé des séquelles graves. Je ne me souviens plus de son nom, et pourtant je le connaissais. Je revois juste son visage. C’est ainsi.

Une note plus gaie :pour terminer ce soir : mon premier émoi sexuel (de garçon très bien élevé) En gym, en 5°, la classe était encore mixte. Le prof (Mister Duthu himself) nous faisait faire le poirier, un la tête en bas et l’autre lui tenant les jambes. Ma partenaire était […] une fille de ma classe (ravissante, d’ailleurs), et la tentation était bien forte de glisser un œil indiscret vers sa culotte sous le short de sport…. En parfait gentleman de douze ans, doté d’une admirable éducation, j’ai chastement détourné les yeux. On ne se refait pas...

Pour les "ballades nocturnes répressives", j'ai connu une ou deux fois la menace mais ils ne sont jamais allés jusque là quand même. Par contre, avec certains pions, les pompes obligatoires, oui. Mais au fond, on n'était pas mécontents de montrer qu'on "assurait". On était des hommes...

Z (Olivier) :

J'ai ressorti de mes tiroirs quelques photos de Villard datant de 1990. Elles sont visibles ici : http://picasaweb.google.com/olivier.pasteur/VillardsDeLans

Y (Laurent) :

Merci Olivier !
Depuis le temps que je promets a Gilles de ressortir cette photo de lui à la terrasse du café !

X :

Je crois que je me rappelle de toi, Laurent. Ton visage me dit quelque chose, à cause du foulard (photo où on te voit de visage avec le foulard jaune).
Tu en portais un assez souvent, si c'est bien à toi que je pense. Mais ça doit être ça car le pull marin bleu marine me revient aussi. Par contre, le visage d'Olivier ne me dit absolument rien. Si tu es en 3° en Sept 1970 avec Winkle, alors moi je suis en 4° à ce moment-là (rentrée 70). La tenue de Winkle sur la photo, je m'en souviens très bien (le jean mauve et l'espèce de foulard bleu bariolé, la veste peau de mouton moins), sans parler évidemment du fameux bracelet (qui me faisait penser à un chamane).

W :

Je crois que nous étions assez proche avec Michel Huguet. Si nous parlons du même il avait eu une aventure avec une fille superbe mais je crois qu’il y a avait eu des problèmes de santé entr’eux et il s’en était ouvert à moi. Blond avec une mèche qui lui barrait le front et un air malicieux avec ses yeux très clairs.
Henri Bedarida : j’ai repris contact avec lui via les copainsdavant, nous étions très amis (pour ne pas dire plus) avec une bande de fille demi pensionnaire dont les sœurs MacFarlane et à l’occasion d’une sortie commune nous avions rencontré (Henri, d’autres et moi) une de leur copine lyonnaise nommée Brigitte Levert. La journée s’était tellement bien passé que Brigitte en avait gros sur le cœur de repartir le soir à Lyon. Peu de jours après nous avons commencé à échanger une correspondance passionnée voir enflammée (je l’ai retrouvé récemment dans ce paquet de souvenirs) comme deux ados un peu mal dans leur peau qui se trouvent des (beaucoup. ;) de points communs. Ce que je ne savais pas c’est que dans le même temps Henri faisait le mur puis du stop jusqu’à Lyon pour aller la voir. Dans ses courriers Brigitte m’a parlé une fois de lui et je crois qu’elle n’a pas vu qu’il était très amoureux d’elle. La vie est drôle on passe parfois à coté de très belle histoire…..
A propos de fille, peut être as tu connu
Anne Gentilini ou encore Agnès Blanc-Gonnet ou bien Genevève Mure-Ravaud ou Joelle Argoud-Puy?

Merci Laurent et Olivier pour les photos !!
Maintenant Laurent je te revois grâce a cette photo devant le France

Par contre Anonyme (JSC) si tu pouvais m’envoyer une photos par mail perso je t’en serais infiniment reconnaissant car je culpabilise de t’avoir fait une analyse grapho et de ne pas me souvenir de ton visage.
La contemporanéité de nos souvenirs est impressionnante !!
L’expédition au Cornafion en solitaire avec égarement de la cordée est à attribuer à un dénommée
Guyot. A l’époque il y a avait (chose extrêmement rare à cette époque !) un photographe parmi nous et j’ai une photo de Guyot entrain de se changer devant son casier dans l’étude à son retour !! Même pas mal !! C’était un petit gabarit assez massif avec des lunettes, très sympa et qui avait très bien supporté sa mésaventure.
A
Duthu !!!! avec sa voix de stentor. Un après midi nous étions au ski à La Cote 2000 et on le suivait. Il chantait « Etoile des Neiges » enfin dans sa bouche ça faisait « Etoileeeuuuuuuu des Neiges …mon coeur amoureuuuuuuuuxxxxx etc . On pouvait le suivre rien qu’à la voix. D’un coup un bruit sourd et puis plus rien. On s’approche d’un trou en bas des Jaux et on voit notre prof entrain de se rassembler. Il s’en était pris une bonne et le trou spectaculaire laissé dans la neige en attestait. Il va sans dire que vu son gabarit personne n’a esquissé le moindre sourire mais je suis sur qu’il ne l’aurait pas mal pris !!
Concernant
Anne Dardelet j’ai également repris contact avec elle … elle est kiné à Autrans e sa soeur aînée est chef de cabine chez nous (Air France)

X :

[…] Pas de photo dispo, désolé […] Mais de toute façon, mon visage ne te dirait rien.

Pour Anne Gentilini, je me souviens juste du nom, rien d’autres. Mais Anne Dardelet, je me souviens mieux d’elle. Charmante, avec des petites taches de rousseur. L’air timide en apparence, mais du caractère. Mon premier amour secret et platonique…. Snif. Le type qui s’était perdu au Cornafion, son nom (Guyot) ne me dit rien, pas plus que la description. Je me souviens juste qu’il avait des lunettes et qu’effectivement, son aventure ne l’avait pas plus traumatisé que ça. Quant à Duthu et à sa chute dans le trou, je vois le tableau d’ici, ça devait rire sous cape… Ce n’était pas le mauvais bougre mais mieux valait éviter de le mettre en rogne. Je me souviens qu’un jour, des gars tiraient comme des malades sur la porte en bois assez fragile du gymnase, elle était fermée à clef et ils essayaient de forcer pour entrer, ils tiraient dessus comme des malades. Ca faisait un attroupement, le père Duthu qui était arrivé entre temps a pris les boules et il a retourné une « mandale pour adulte » à un des gars, ça l’a sonné. Pour les photos, je n’en ai plus. […]

Le truc dont tu parles, ça ne serait pas un réchaud explosé ou un truc comme ça ? Il me semble avoir entendu parler de ça quelque part. Mais pour les bouffes, il y en a toujours eu : j’en ai fait jusqu’en terminale, on s’installait dans la bagagerie. Au fait, un sujet scabreux : tu ne te souviens pas de l'affaire de la rangée de culs ? Des gars qui s'étaient amusés à se mettre les fesses à l'air en rang d'oignon, une longue file, et un avait pris une photo en enfilade pour la faire circuler ensuite dans le bahut. Ca avait déclenché un vrai scandale, enquête de "Pépé" le proviseur et tout le tralala, je ne me souviens pas s'ils avaient trouvé qui c'étaient mais ça avait sacrément bardé. Ca devait être en 71-72, par là.

W :

La rangée de cul !! J’ai la version suivante à laquelle j’ai assisté.
On descendait de temps en temps à Grenoble voir des concerts ou des évènements sportifs.
Je me souviens entr’autre d’un concert de Jethro Tull d’où tout le monde était remonté bien déchiré… mais c’est pas celui là.. Il me semble que c’était plutôt un truc du style les 6 jours de Grenoble ou un autre événement sportif, bref toujours est il que nous avions eu accès à la buvette et que nous avions descendu « quelques » bières et pendant la remonté vers Villard toute la rangée du fond du car avait pas trouvé mieux que de traverser une partie de Grenoble avec le pantalon sur les genoux et le cul sur le dossier du fauteuil bien en vu de la populace outragée !! Pas de bol car il y avait un écriteau « Lycée Jean Prévost – Villard de Lans » sur le car et effectivement on s’est fait accueillir chaudement à l’arrivée car les outragés avaient eu le temps de téléphoner au bahut avant qu’on arrive….Bon cela dit c’est une blague tellement répandue qu’elle a du être faite plusieurs fois !!
Je suis comme toi concernant le gars qui s’était explosé dans la descente des Clos. Je revois son visage après l’accident avec une énorme cicatrice sur le front et des lunettes qui m’avaient effrayé à l’époque car un des verres était strié horizontalement et l’autre verticalement. Il était resté longtemps absent après l’accident et la rumeur de son décès s’était répandue. Je crois me souvenir qu’il était très sportif, assez sec et noueux physiquement. […]

Pour les bouffes nocturnes à la fin (72-74) on les faisait dans les box car la valiserie était trop petite !!
Je me souviens de deux morfales, un petit grenoblois qui s’appelait
Boishardy mais que l’on appelait Pipo et d’un autre nommé Coutant (Eric peut être). C’était petit déjeuner à minuit avec chocolat et tartines.. ou alors rillettes et pâté etc. au passage c’est vrai que l’on s ‘amusait à passer d’une fenêtre à l’autre en se tenant au montant mais il y avait une blague de meilleurs qualité : accrocher un drap à l’extérieur en le coinçant dans la fenêtre et la pauvre victime voyait son drap s’envoler au moment où elle essayait de le récupérer…et par vent du sud ça pouvait aller jusqu’à la conciergerie…
Tiens les fenêtres des dortoirs m’en rappelle une autre : les guirlandes faites avec un rouleau de pq imbibé d’eau de Cologne et lances allumées... superbe la nuit … surtout quand une fois un rouleau ne s’est pas déroulé et qu’il est allé s’écraser sur une voiture sur le parking qui par chance n’a pas cramé (enfin cette fois là !)
Je narrerai le coup de l’explosion une autre fois car le nom des acteurs m’échappe encore mais par les circonstances !!
Au fait si ton pseudo n’en était pas un je te signale que nous étions dans la même classe 2A en 71-72 … j’ai sous les yeux le registre de la semaine du 25 mai… pas terrible les notes en math... mieux en physique... pas mal en histoire-géo… un petit scan en mail perso peut être ??

X :

Ah oui, pas mal le coup du rouleau de PQ et des draps, je ne m’en souvenais pas mais on a effectivement fait ce genre de bêtises : des classiques. Pour l’histoire de la photo, non, je crois que c’était vraiment autre chose de plus organisé, une provocation délibérée des « Autorités ». Pour le type que tu surnommais « Pipo », je ne m’en souviens pas, mais le nom de Boishardy me dit quand même vaguement quelque chose. Il ne faisait pas du hand ou du basket, ou quelque chose comme ça ? A mon avis, le nom, ce serait plutôt Boardy (je l’écris en phonétique) […]
Pour le scan : tu peux me le mettre ici, sur le serveur free ? http://dl.free.fr/

Préviens moi quand ce sera uploadé, en me donnant le lien, je récupérerai. Souligne-moi mon nom de l’époque, moi je ne m’en souviens pas :) (et stp, motus si tu as deviné) Tu n'aurais pas retrouvé des mentions de colle, avec ?

Au fait, je me souviens plus précisément de ton histoire des fils coupés. Tu n'avais pas fait ça en étude, et tu avais fait valoir pour te défendre que tu t'ennuyais, que tu avais eu un coup de cafard..? Je crois bien que c'est ça. Hypocrite ! En attendant, tu n'étais pas passé loin du conseil de discipline, si je me souviens bien, ça avait fait du ramdam. Il y avait même des types qui te prenaient pour un dingue d'avoir fait ça.

W :

Effectivement ce n’était pas pendant une étude mais dans une salle d’études la 1 ou la 2 ou la 3 (je crois qu’il n y avait pas de 1) juste à coté de la bibliothèque.
C’est drôle mais il me semblait que tu n’étais encore au bahut quand j’avais joué de la paire de ciseaux sur les outils de communications. Ce qui est troublant c’est qu’il me semble bien avoir plaidé mon cas comme tu le décris….
Je t’ai envoyé un mail perso via copains avec les liens vers les scan de la liste de 2A 1971-72. Si le fantôme nous lit je vais lui coller la bave aux lèvres car j’ai quelques autres douceurs dans le genre…. mais patience…..
Au fait si tu es celui que je crois que tu es (ça fait polar non ??) tu étais de taille moyenne, châtain ou brun avec les cheveux légèrement ondulés et il me semble une marque sur une des joues….me trompe-je ?
PS : je n’ai pas stocké les mentions de colle car je n’ai pas le permis poids lourd…

X :

[…] Winckle : hé hé, oui. Très polar Mais j'étais bien déjà là, mon coco. Ce qui m'a tué, ce n'est pas que tu aies coupé les fils du téléphone, ça j'aurais pu le faire tout aussi bien. Mais c'est que tu aies fait ça, disons, au grand jour. Ca, ça m'a tué. Mais vraiment. Jamais je n'avais vu un culot pareil, le genre suicidaire. C'est d'ailleurs pour ça que tu as commencé à m'intéresser, mon vieux. J'ai toujours eu un faible pour les dingues... […]

W :

[…] Dis-moi Anonyme si tu étais déjà là pour le coup des fils du téléphone tu dois savoir que j’ai (au moins) deux autres conneries aussi retentissantes à mon actif, dont une qui a mobilisé quasiment tous les élèves internes présents dans le lycée ce jour là (je sais on ne se refait pas..) .. Envoies un mail perso et je te récite les adresses de chargement de LJP-2A-1971-72 […]

X :

[…] T'as pas changé, hein ? Toujours aussi doué en anglais
:) Have to take a look in manual mon gars (admire l'aisance du faux bilingue frimeur, coco, et prends en de la graine : 14 en anglais au bac écrit sans avoir jamais rien fichu de l'année, because mon système de pompe hyperminiaturisé) A+





Voilà, le ménage est fait l'essentiel est sauf, la vie continue. que ce soit en commentaire sur ce blog ou sur un site plus approprié comme le

BLOG FORUM DES ANCIENS DU LYCÉE JEAN PREVOST
cliquez sur cette bobinette et la chevillette cherra

1971 - février - Le Luc

1971 - avril - CNTE à Butaré

Je suis resté au Rwanda d'avril 71 à juillet 72

Arrivé en avril, j'ai très vaguement fait mon troisième trimestre de 4ème par le CNTE. Je suis passé en 3ème par dérogation. Je me suis installé dans le confort des cours par correspondance. Piège fatal à ceux qui n'en acceptent pas la nécessaire méthode. Aucun devoir ne peut bien évidement interpeller l'élève sans une information clairement et préalablement exprimée dans la leçon ou sur un problème précisément developpé dans les exercices corrigés. Je commençais donc par la fin. Je prenais les devoirs à faire, je recherchais comme dans un jeu de piste les seuls paragraphes ou exemples nécessaires à la résolution demandée. Je faisais du copier-coller bien avant l'heure. Je n'apprenais rien. Je n'avais pas même besoin de comprendre pour faire. Pourvu que je respecte le timing du renvoi des devoirs et que ceux-ci reviennent avec des notes supérieures à la moyenne. Je n'avais guère de pression. J'arrivais malgré tout à me mettre en retard. A bâcler mes exercices. A récolter quelques avertissements et mauvaise note. Mais je suis passé bien evidemment en seconde. Sans rien savoir. Et en ayant totalement désappris à travailler. Si tant est que je ne l'avais jamais su.

De Butaré, je garde beaucoup plus le souvenir des quelques rencontres éparses possibles. nous n'étions pas nombreux de la même génération. Le Rwanda, malgré les tensions qui déjà y couvaient, nous était, pour nous, si agréable à vivre.

Dominique Sauvé dont je fus éperdument amoureux. Nous nous sommes quittés en juin 1972, elle rentrait en France. Je quittait définitivement le Rwanda peu après. Elle y revint. Nous nous sommes écrit avec une grande densité. Revus entre deux voyages, avec un desespoir insensé. Sans cesse à la poursuite d'un amour mal partagé qui jamais ne pu se rencontrer. Cette tragédie m'a accompagné tout au long de mes années lycées, et à induit l'ensemble de mes rapports amoureux d'alors. Toujours en quête d'une affection qui pourrait se substituer à cette quête, jamais vécu sans l'ombre de celle-ci. Il m'a fallu attendre 1976 pour pouvoir commencer à en faire le deuil.

Benoit Salien, belge. Et son vélomoteur que je jalousais ! C'est grâce à lui d’ailleurs que j’ai pu aller passer mon permis moto au commissariat.

Jean Larouche, canadien. Employé à l'université.

Anouar Bashir, pakistanais. Dont les parents tenait un des principaux commerces.

Nous formions une bande bien hétéroclite et j’ai du mal à me souvenir comment nous organisions nos loisirs, nous qui travaillions chacun dans notre coin.

La faculté voisine avec sa bibliothèque et son laboratoire de chimie où je m’invitais pour toute sorte d’expérimentation était bien plus attirante que mes cours. Je crois que c'est là où travaillait Jean de Dieu Ngirabatware. Il devait être laborantin. Je n'ai plus jamais eu aucune nouvelle
Sur mon répertoire de l’époque, il y a aussi les coordonnées de Caroline Bussière et Ann De Senay. Mais ma mémoire à leur égard me fait défaut. Et internet, silence. Seuls les courriers de Do qui suivirent son retour suggèrre quelques hypothèses précises dont je n'ai pourtant aucun souvenir. Ni de courrier de leur part. Me fait défaut aussi la mémoire des autres experts de l’IPN dont les enfants n’avaient pas notre âge.

Mon frère Jérôme, a conservé des contacts avec Richard Bois. Ils étaient de la même génération et nos pères sont toujours restés contacts.

Il y a avait une experte en géographie que j’avais assisté pour dessiner ses cartes d’un livre sur le Rwanda.

Une autre, Roumaine, qui m'offrit le livret poème de Guéo Milev, "Septembre".

J'avais aussi monté un réseau de transmission, genre radio libre avant l’heure, avec une portée de 500 mètres...

Et du Rwanda, je garde bien évidemment le mois que je passais à soigner les lépreux à travers le pays et dans une léproserie. Ce "médecin aux pieds nuds" que j'ai accompagné, pére blanc défroqué, endurci par plusieurs années en prison en Chine, à forger en moi mon souhait d'être médecin. Et j'ai oublié son nom. Ingratitude de ma mémoire.

Je me souviens aussi de l'exploration du Nyamulagira en éruption sur les flancs du Niaragongo. Nous observions la coulée depuis la route de Goma. Et nous partîmes dans la foulée toute fraiche de Tazief. Et de l'escalade du Rwenzori dans des conditions innénarables... Mais que je raconterais !

Toutes ces histoires d'une richesse inouie deviendront à mon retour en France un handicap social. Trop hors normes, au mieux passais-je plus tard comme "different", au pire comme affabulateur.

1971 - aout - Soins aux Lépreux

Cet été là, j'ai éprouvé l'intense satisfaction de me sentir utile. D'être ce que je devais être. Tourné vers les autres. Compassionnel et efficace.

J'ai rencontré à Giseni, chez nos amis Michel De Walque, un médecin (?), père mariste défroqué (?), les deux ? Qu'importe ! Blindé par des années de prison en Chine, il est venu poursuivre son apostolat au coeur des milles collines et s'emploit, comme tant d'autres, comme si peu d'autres, à faire reculer le mal qui ronge.

Je m'embarque aussitôt avec lui pour l'aider dans sa léproserie à Gitarama. De là, nous sommes partis sillonner tout le Rwanda pour soigner, village après village, la lépre qui y sévissait. Toutes les maladies de la peau en fait, car seul une approche "générique" permettait de faire venir chacun sans le stigmatiser d'emblée d'une maladie encore si tabou, si ostraciste.

A deux, dans notre combi WV. Aménagé en pharmacie. Nous faisons halte pour des rendez-vous de brousse. Connus de tous. Sommes-nous là à l'heure près, au jour près ? Ils sont là, eux. Ils sortent de leur campement provisoire. Ils alignent leur misère, leurs douleurs, voire leur agonie.
Les membres tordus par la dégénérescence des nerfs. Les pieds et jambes profondemment crevassés de brulures incicatrisables. Ils sont invités à rejoindre la léproserie, seul espace susceptible d'accueillir une utile convalescence. Partir ? Ah quoi bon quand il y a encore tant à faire ici ! Tous nous quittents avec trente cachets en main. Un pour chaque jour. Dosés à hauteur du mal. Et puis des paroles amicales, réconfortantes, respecteuses toujours. La charité chrétienne prend ici toute sa valeur. Mon humanisme laic s'y retrouve sans mal.

Ici là s'inscrit en dur ma vocation. Etre médecin.

Nous poursuivons nos routes aux confins du territoire. Franchissons les zones interdites à toute transhumances. Les secteurs frappés d'un mal plus terrible encore. La mouche Tsé-Tsé. Plus sournoise, celle-ci pond ses oeufs dans la moindre des tumefactions. Le mal gagne, mine, épuise, achéve. Et je vois autour de moi tous ses enfants léthargiques dans les bras de leurs mères épuisées, impuissantes. Et je vois ces mouches tranquilles, sereines, collés aux plis des paupières, aux commissures des lèvres, aux plaies ouvertes. Et j'en pleure. Et j'en pleure encore aujourd'hui en l'écrivant.

1972 - juillet-aout - Butaré/La Courcelle

Olivier est parti en mai (via le Caire !) pour présenter son bac (en vain !) à Brignoles.
Gil et Jérome sont rentrés en France fin juin.
Je demeure à Butaré pour préparer notre retour, mon père et moi, en voiture, jusqu'en France. Douze mille kilométres, six à huit semaines au bas mot.
Une belle histoire.....


Perdu au milieu de nulle part je rencontre Christian Foucher, photographe itinérant.
Je le reverrais en octobre à Paris. Puis plus jamais