1973 - janvier - Jean Giraudoux

Je rejoins Olivier au Lycée Jean Giraudoux à Bellac en janvier.
Jusqu'en juin.

Dans mes limbes, cette première demi-année scolaire se distingue de la suivante par la présence de mon frère, alors en terminale. Comment bien distinguer ce qui ressort d'une année l'autre ? Qui fut rencontrer là, qui fut croisé plus tard ?

Nous venions en voiture. D'abord avec la jeep WV rescapée du retour du Rwanda. Ensuite avec une NSU Printz bleue. Dans cette sous-préfecture où mai 68 avait peu marqué les us, l'émancipation de notre comportement, l'autonomie dont nous jouissions étaient remarquée. Nous vivions à quinze km de là, auréolés de cette liberté. Mon frère attirrant bien plus que moi la lumière, cheveux blonds, mi-longs, yeux bleu, poéte, et marchand bien au-dessu des étroites contingences quotidiennes de la scolarité... Mais je bénéficiais de ce premier réseau de relation, bien obligé de me trimbaler dans ces détours, puisqu'il assurait mon transport quotidien.

Pour ma part je traversais la première fois cette cour carrée à l'image de ma vie d'alors. L'air un peu perdu. Déraciné. Protégé par ma grande écharpe.

Je traînais le même ennui d'étude que les années passées. Je subissais le même sentiment de solitude. Je ne profitais pas de l'attention qu'éprouvais certain à mon égard tant cela me paraissait improbable. J'éprouvais plus directement le ressentiment de quelques autres eu égard à mon statut "d'autre". Autre style, autre pensée, autre histoire. Ostracisme classique. Et l'adolescence est une période où s'exprime encore plus durement la palette des sentimentse les plus abruptes. Je passais sans doute à coté de vrais relations, car à trop vouloir qu'elles soient "vrais" je ne savais pas être simple et prendre la vie au meilleur sa présence.

De cette période, j'ai conservé, ne serait-ce qu'en pointillé quelques relations fortes qui ont comptées et comptent toujours pour moi, tant pour ce qu'elles furent que ce qu'elles demeurent dans le simple fait de ce fil non-rompu.

Mon frère Olivier me presenta à ces amies. Martine Bodilis dont il était proche. Et sa soeur.

Catherine Bodilis était une fille formidable. Elle l'est toujours. Elle était en 1ère A. Cela ne nous a pas empéché de beaucoup nous voir. Artiste, cultivée, elle avait tout pour me plaire. Je n'ai pas su le vivre ou le dire, ou c'est elle ? Ou même le penser. De toute façon j'avais toujours au fond de moi un amour impossible qui rendait tous les autres impossibles. Il était vain d'y voir clair. Elle tenta un suicide. Son père m'en fit grief et mis un terme à nos échanges. Nous ne nous sommes pas complétement perdu de vue pour autant. Son amie Josiane ........ , sans doute en 1ère A aussi. Fut durant ces deux années très présente. Et dépressive aussi.

Maryse Desset était avec mon frère, en terminale. Sa douceur pétillante était de la même nature que celle de Dominique, mon amour impossible. Je l'avouais sans tricher et elle accepta, non sans risque, se transfert platonique. Notre échange épistolaire (des dizaines de pages par jour !) qui a capté tant de mon attention du fond de la classe n'est plus. Le lien ne s'est pas rompu, je la rencontre toujours. J'ai gardé toutes ses lettres. Je sais qu'elle n'a pas fait ce choix. Je ne les ai jamais relus. Mais je garde. Pour savoir que ça a été. Pour être sur d'avoir bien existé en ce temps là. Auprès d'elle son amie d'internat Gigi, Gisèle Roche. Et son autre amie, la belle et grande blonde Linda, Evelyne Veyret. Toutes parties étudier à Limoges l'année suivante. Et en filigramme, l'ombre de Bernard Mocoeur, son promis au service militaire, dont elle restait indeflexiblement fidèle.

Jane Rousseau venait d'ailleurs, de Mezière. Nous nous sommes rencontré à une soirée d'amis communs. Jane s'en souviens très précisement. Nous nous sommes beaucoup écris. Son humour et son élégance m'ont tiré vers le haut. Et je sais aujourd'hui combien j'ai du étriller et mettre à mal ses sentiments. Au moins n'ais je jamais menti, et ais-je toujours été heureux d'être son ami autant que cela soit demeuré compatible avec nos vies respectives. C'est sans doute Mireille Boos, qui m'a fait rencontrer Jane. Mais je crois qu'elle était en 1ère A. Ou est ce Véronique Michelet "Véro" (28 juin 55), également amie de Jane. Et de son frère Marc.

Catherine Pointud n'était pas du lycée. Elle vivait à Bellac. Elle était la fille de très proches amis. Depuis déjà plusieurs années. Donc mon amie. Mais nous avions alors d'autres centres d'intérêts que de conforter nos parents dans une harmonie héréditaire. On se voyait souvent, forcement, mais nous n'avions pas alors beaucoup de complicité à partager et nous n'avons pas vécu là les moments les plus riches de notre constante, quoique irrégulière relation.

Gérard Reix, plus proche compagnon (27 avril 55), mais je ne suis pas sur qu'il était en D, peut-être plutôt en A. Nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Il était interne et j'étais encore externe. Et bien que ces deux mondes étaient très distincts, nous avons été complices très tôt. En commençant par prendre le leader-ship du mouvement lycéeen. Organisant seeting dans la cour, débats enfumés dans le foyer et manifs dans Bellac. Mon coup de crayon rendait affiches et banderolles plus vivantes. Je reproduisais avec bonheur les premiers dessin de Plantu, avec Debré et son entonnoir.

Et puis il y a tout ceux qui ont tant compté alors, qui comptent toujours dans ma mémoire mais que où temps a estompé le suivi du lien et l’occasion de nouvelles rencontres.

Odile Bonnet, fut d'emblée ma compagne de fond de classe. Par défaut ou par choix je m'assis auprès d'elle. C'est elle qui me l'a rappellé. Je l'ai revu. A mon grand désarroi je n'arrivais pas à me souvenir d'elle, de nous, et d'ailleurs de pratiquement tout le reste de la classe. Nous avions comme complicité de nous sentir marginaux et j'avais comme grand avantage, à ses yeux, d'être plutôt beau. Et comme ennui de ne pas être son style sur tout le reste. Un peu chiant, compliqué et plaintif. Soit. On vit dans le regard des autres et celui-ci n'est jamais unanimement en votre faveur. Visiblement on ne partageait pas le même jugement sur les gens qui nous entourraient et sur nos loisirs. Elle en "rallye". Moi dans les "manifs". On ne risquait pas beaucoup de se croiser ailleurs que dans le fond de cette classe où nous unissait notre cancritude. Je venais de Lakanal. "Lakanal", il parait que ce fut mon surnom quelque temps.

Il y avait aussi dans cette même 1ère D Jean Claude Parouty, boute en train avec lequel j'ai gardé contact quelque temps. Vincent Courtin, dans ma classe et assez proche d'Odile...
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Gérard, Josiane, Catherine, Véro et Mireille, nous étions souvent tous ensemble. Si ce n'était cette année là, avec certitude l'année suivante.

Et puis des rencontres improbables, dans quel virée où m'emmenait Gérard. Comme ce bal à Droux ou je rencontrais Martine, de Nantuat.

Montage poétique... Notre prof de français, Claude Poyo, animait cette activité qui devait se terminer par une representation en fin d'année. Je l'apréciais beaucoup. J'ai su plus tard que c'était réciproque. Olivier en était un acteur déterminant. Je m'integrais au spectacle. Je crois que je choisis et appris par coeur "Je voudrais pas crever" de Boris Vian. Je le sais toujours. Olivier récitait une oeuvre sur le fond musical de la "Symphonie du nouveau monde" de Dvorak. Que ne l'ais-je de fois entendu lors de ses répétitions ? Mais Olivier "claqua" la porte. sans doute des dissensions internes dont il est possible que je ne sois pas étranger. Probablement une forte divergence sur le thème fédérateur du montage. Avec des personnalités fortes et oppossées dont au moins les deux notres ! Les répétitions firent long feu. La representation finalement n'eut jamais lieu. Et je repris le flambeau, seul, l'année suivante.

Le mouvement contre la décision de Michel Debré, d'abroger les sursis pour le service militaire gagnait la France. Il n'était pas question de passer à coté. Fin mars, 200 000 lycéens manifestent durant une semaine, dont nous ! Première manifestation de lycéens dans Bellac, qui en avait jusqu'alors été toujours préservé, même en 68 !

A la fin de l'année on a passé le bac de français. A Bellac ? A Limoges ? Je n'en ai strictement aucun souvenir. Odile m'a dit l'avoir si brillamment réussi (meilleure note) qu'elle pu malgré ses résulats ausi muavais que les mines, se hisser en Terminale. Pour la redoubler in fine.

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Cette année là nous faisons aussi du cheval dans un club à Bellac, avec Olivier. Rebelles, contestataires, nous n'aurons pas notre brevet pour la seule et unique raison de ne pas avoir été dans une "tenue appropriée à l'examen"

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